Les premières fois du festival d'Avignon

 Je connaissais le Palais des papes, j’en avais entendu parler, mais je n’y étais jamais entrée , confie Léa*. Accompagnée de quatre autres jeunes en réinsertion au sein du restaurant Graines de Piment à Avignon, elle visite ce jour-là la cour d’honneur du Palais des papes dans le cadre du dispositif Première fois, un programme de médiation culturelle destiné à accompagner les publics scolaires ou socialement éloignés.  Le festival d’Avignon peut avoir une image élitiste avec une programmation exigeante , explique Lucie Hass, la responsable des relations avec le public.  On déconstruit ces peurs par une médiation en facilitant la venue de ceux et celles qui participent pour la première fois. C’est un temps calme pour qu’ils aient des repères et qu’ils s’approprient les lieux.  Pour faire tomber les barrières sociales, économiques ou parfois même géographiques, l’équipe de médiation déploie ce dispositif singulier lancé en 2023, soutenu par MAIF, l'un des principaux mécènes.

Mettre du contexte

 Ce n’est pas facile pour eux, ils sortent du service, ce sont les premières chaleurs, ils sont un peu fatigués , précise Christophe, leur encadrant. Néanmoins, sur la grande scène de 37 mètres de long, les regards contemplent les gradins et ses 1 947 sièges, un clin d'œil à l’année 1947, date de création du festival.  C’est Jean Vilar qui a d’abord lancé la semaine d’art en Avignon, ce qui deviendra ensuite le festival d’Avignon , raconte Juliette Marmisse, chargée des relations avec le public. Cette dernière est la guide d’un jour pour ce public de jeunes adultes.  J’aime bien les spectacles, je suis déjà venu ici en voir. Je m’intéresse à tout , glisse Théo*. La cour d’honneur est le premier lieu que le festival a investi, mais aussi le plus emblématique.

Découvrir des métiers

Pour faire vivre cette scène depuis bientôt 80 ans, il y a tout un travail de l’ombre. Quelques semaines avant le festival, ce sont toutes les équipes techniques qui investissent le Palais des papes, classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Dans les sous-sols, à quelques pas de l’entrée des artistes, la médiatrice ouvre les portes de la puissance. C’est le cœur névralgique de la cour d’honneur. Au creux de cette petite salle voûtée, trois techniciens ont l'immense mission de mettre en place toute l’énergie électrique dont a besoin le spectacle.  On monte un câble de 85 mètres de long jusqu’en haut de la tour des anges du Palais, on est une vingtaine pour faire cela , indique Christophe. Sans eux, adieu la lumière !  Au début du festival, pour l’éclairage, il n’y avait que dix projecteurs. Aujourd’hui, c’est plus de 150 , glisse Juliette. La lumière, les décors, le son, les costumes, la vidéo ou même la sécurité, le champ des possibles en termes de métiers est varié.

La scène, des folies artistiques

Fixant la grande scène, Emma* est perdue dans ses pensées.  Je ne savais pas qu’il y avait tout cela ici…  Durant une heure, Juliette leur crée de nouveaux repères au sein de ce site qu’ils découvriront sous une autre facette lors d’un spectacle. Elle distille des anecdotes pour évoquer la singularité de cette scène.  Elle est unique : cette scène a été conçue pour le lieu. Elle ne pourrait être nulle part ailleurs , rappelle la médiatrice tout en se dirigeant sous la scène. Une télé qui explose, 20 centimètres d’eau qui tapissent la scène, un voile qui vient recouvrir le public, un piano qui prend feu : la scène du Palais des papes est le théâtre de toutes les excentricités et autres folies des metteurs en scène.

Dans les entrailles de la scène

L’irrégularité du sol d’origine avait ennuyé Jean Vilar qui le trouvait inapproprié pour jouer. Depuis, les équipes ont travaillé pour construire une scène sur ces pierres et ce puits, tout en s’adaptant aux différents niveaux.  Mais l'intérêt de cette scène, c'est qu’elle peut faire apparaître et disparaître des choses et des gens , évoque Juliette, captivant l’attention de son audience du jour.  Une actrice devait disparaître sous la scène remplie d’eau, mais lors de la répétition générale, elle n’avait pas trouvé la sortie et avait failli mourir ! Les techniciens avaient trouvé une solution en faisant appel à un plongeur. 

 J’appréhendais de venir au spectacle quand on m’a parlé de ce projet  , avoue Inès*.  Le fait de découvrir la scène avant, c’est plus rassurant.  D’ici à quelques jours, elle sera spectatrice et aura certainement plus de clés pour apprécier sa première expérience et… avoir l’envie de revenir.

*Les prénoms ont été changés